• par Jean-Jacques

    25 août 2020

     

    Cela fait longtemps que je me demande pourquoi des personnes sensées arrivent souvent à être sensibles à des informations fausses ou trompeuses alors que de toute évidence elles devraient au moins essayer d'exercer leur esprit critique avant de croire aveuglément des choses douteuses. Mais en y réfléchissant, je m'aperçois qu'il est très difficile d'opposer un argumentaire raisonné imparable face à des affirmations relativistes, complotistes ou simplement partisanes du genre : « C'est la CIA qui a tué Kennedy » ou « Les ondes électromagnétiques des relais téléphoniques sont mauvaises pour la santé » ou « L'hydroxychloroquine guérit du Covid19 et ce sont les lobbies pharmaceutiques qui veulent l'éiliminer », complétées par « Prouve moi le contraire ». Dans le combat entre ceux qui doutent (moi) parce que je n'en sais fichtre rien mais qu'il me semble raisonnable de ne pas le croire d'emblée, et ceux qui affichent leur croyance indéfectible en demandant à l'autre de fournir la preuve du contraire, ce sont malheureusement le plus souvent ces derniers qui gagnent. Entre la croyance qu'on n'a pas à justifier parce que « mon opinion vaut bien la vôtre », et la démonstration impossible de la fausseté supposée de l'opinion de l'autre, la raison perd à tous les coups.

    J'ai donc cherché dans la littérature, si cela existe, la manière de répondre aussi objectivement que possible à ceux qui affichent des croyances insubmersibles dans les causes improbables de faits très variés. Je suis tombé sur ce livre de Gérald Bronner, « La démocratie des crédules », qui dresse un tableau assez exhaustif de la question que je viens d'exposer. Il faut le lire intégralement, car il est difficile de résumer cet essai très fouillé, riche de nombreux exemples, mais je vais quand même essayer d'en donner, modestement, une petite idée, surtout à l'aide de citations extraites de cet ouvrage.

    Je recopie la quatrième de couverture, qui énonce très clairement les questions qui y sont traitées :

    « Pourquoi les mythes du complot envahissent-ils l'esprit de nos contemporains ? Pourquoi le traitement de la politique tend-il à se peopoliser ? Pourquoi se méfie t-on toujours des hommes de sciences ? Comment un jeune homme prétendant être le fils de Michaël Jackson et avoir été violé par Nicolas Sarkozy a t-il pu être interviewé à un grand journal de 20 heures ? Comment, d'une façon générale, des faits imaginaires ou inventés, voire franchement mensongers, arrivent-ils à se diffuser, à emporter l'adhésion des publics, à infléchir les décisions des politiques, en bref à façonner une partie du monde dans lequel nous vivons ? N'était-il pourtant pas raisonnable d'espérer qu'avec la libre circulation de l'information et l'augmentation du niveau d'étude, les sociétés démocratiques tendraient vers une forme de sagesse collective ? »

    L'analyse faite par l'auteur et les nombreux exemples qu'il donne sont très éclairants, même si parfois il verse par réaction dans un excès de rationalité. Je n'ai cependant pas trouvé de recette miracle pour contredire définitivement les arguments des « croyants », alors qu'il me semblait que la connaissance, la méthode et le sens critique devaient facilement pouvoir le faire. Je me bornerai donc à décrire certains biais du raisonnement auxquels Gérald Bronner donne des noms de son cru, et que je publierai ici en plusieurs fois.

     


    2 commentaires
  • De Pierre Marsal


    (Je voudrais citer) le récent ouvrage de mon confrère Heinz Wismann, qui est probablement une des personnes les plus remarquables que j’ai eu la chance de rencontrer dans mon existence (je peux les compter sur les doigts de mes mains, toutes catégories confondues : scientifiques, chefs d’entreprise, hauts fonctionnaires, et même ministres ou simples citoyens). Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je l’évoque. Il est tout autant philosophe que philologue ou épistémologue. Je vous le cite car vous êtes des germanistes avertis et qu’une partie de ce qu’il développe est certainement davantage compréhensible par des familiers de cette langue. Ce qui n’est pas mon cas. Malgré mon handicap j’y ai appris des choses intéressantes par exemple sur l’incidence dans le comportement social du placement du verbe en fin de phrase, sur la spécificité des universités allemandes par rapport aux françaises, sur le décryptage de mai 68. etc. En tout cas c’est un ouvrage qui me semble destiné à faciliter la connaissance mutuelle entre peuples. Mais il y a de nombreux passages où il faut sérieusement s’accrocher (à lire et relire) et avoir une connaissance littéraire et philo solide. Il m’a dit avoir fait exprès !  

    Heinz Wismann, Penser entre les langues, Albin Michel, sept-2012, 320 p.

     


    2 commentaires


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique