• par Daniel Soulat

    24/03/2024

     

    I/ Introduction : Un peuple se caractérise par une identité culturelle, différente selon les pays, principalement déterminée par la langue, la religion, les mœurs (manière de vivre, pratiques, us et coutumes, traditions), associées au système de valeurs, de croyances et de ses lois. Ne pas faire de mal à autrui est un principe fondamental commun à toutes les cultures, à toutes les religions, il est indispensable à la vie en société. C’est le bien qui sera évoqué, et non le Bien exprimé dans la religion, le Bien est en général incarné par Dieu.

    Le bien a des définitions multiples, une proposition serait de retenir celle-ci : Le bien est ce qui est l’opposé du mal, il possède une valeur morale qui a de la probité, et de la vertu. Nous aborderons les différentes ‘’Ecoles morales’’ , elles permettent la transmission du bien au plus grand nombre, afin de veiller à l’intérêt public, pour mieux vivre ensemble au quotidien.

     

    II/ Religions: La ‘Règle d'or’ est une éthique de réciprocité, dont le principe fondamental est énoncé sous deux formes, dans presque toutes les grandes religions et cultures : 1- « Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fasse », 2- « Traite les autres comme tu voudrais être traité ». Ces formes de morales universelles se retrouvent aussi bien, dans les préceptes philosophiques de l'Égypte antique et de l'Antiquité grecque (VIIe siècle av J-C) Thalès 1- « Evite de faire ce que tu blâmerais les autres de faire », que dans les religions orientales (hindouisme, bouddhisme, taoïsme, confucianisme...), proche-orientales ou occidentales (judaïsme, christianisme, islam).

     

    III/ Philosophies : La mise en jeu de l’Ethique d’Aristote consiste à faire ce qui est bien. Les Lumières, au XVIIIe siècle appellent  ‘Règle d’or’ 1- « Ne pas faire à autrui ce qu’on ne souhaite pas subir soi-même », et soulignent son caractère universel.

    Pour un épicurien, le bien consiste en un usage raisonné des plaisirs, pour un stoïcien dans l’exercice de la vertu, pour Kant, le bien consiste à agir selon des principes universalisables.

     

    IV/ Constitution 22/8/1795 : Article 2. - Déclaration des droits et devoirs de l'homme et du citoyen : Tous les devoirs de l'homme et du citoyen dérivent de ces deux principes, gravés par la nature dans tous les cœurs : 1- Ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas qu'on vous fît.  2- Faites constamment aux autres le bien que vous voudriez en recevoir. Le premier est clairement un principe  de respect mutuel, condition pour vivre en société, le deuxième  est un principe altruiste de base, pour vivre ensemble.

     

    V/ Conditions de réussite : Ne pas oublier que l’on est tous différents mais semblables, ce qu’on aimerait que les autres fassent pour nous, n’est pas forcément ce que les autres aimeraient qu’on fasse pour eux. Il y a donc à prendre en compte la valeur de tolérance et de respect de la différence, la seule valeur qui puisse garantir la coexistence pacifique, en dépit de la diversité des croyances, et permettre l’enrichissement mutuel, cf Claude Lévy Strauss dans ‘La diversité des Cultures’.

     

    VI/ Comment le Sacré est-il passé dans le Profane ? Le sécularisme apparaît comme une tendance à transférer la plupart des valeurs sociales, du domaine du sacré à celui du profane. Il conduit à la désacralisation d'un large domaine d'activités, dont celle de l'organisation sociale. Dans le cadre d’une éthique humaniste, faire le bien c’est agir individuellement et collectivement, de façon à créer les conditions permettant la vie, la santé, la dignité, la sérénité, la liberté, pour chacun. Agir ainsi, suppose une intentionnalité visant à respecter et, si besoin, à défendre les valeurs humaines. Faire le mal c’est l’inverse, c’est détruire intentionnellement l’humanité en l’homme. Le bien, ainsi défini, n'est pas spontané, il demande des actes sous-tendus, par une intentionnalité individuelle, soutenus par des lois et des institutions politiques.

     

    VII/ Le bien et la Liberté : Rappel l’Article. 4. de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen 26/8/1789 « La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui », ceci est  repris dans La charte des droits et devoirs du citoyen français 2012. Ainsi, l'exercice des droits naturels de chaque homme, n'a de bornes, que celles qui assurent aux autres membres de la société, la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la Loi. Pour indication l’Article. 5 26/8/1789 - La Loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la Société. Tout ce qui n'est pas défendu par la Loi, ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.

     

    VIII/ Le bien et le devoir : Quand faire le bien consiste à éviter ou à empêcher que se produise le mal, il constitue une obligation incombant à tous les membres d’une société. L’accomplissement du devoir, est toujours accompagné d’un sentiment de bien être, dans beaucoup de conceptions morales, bien agir et bien être sont en définitive solidaires.

     

    IX/ Le savoir vivre : Nous connaissons le terme « savoir-vivre » sous de nombreuses autres appellations : politesse, civisme, bonne manière, bienséance. Le savoir-vivre est un code, établissant l’adaptation d’un comportement particulier, lors d’une situation précise. C’est un code appliqué depuis que le monde est monde.

    Comment se présente le savoir-vivre ? Chaque pays possède ses propres règles de bienséance. Toutefois, peu importe la culture, chacun se doit de toujours respecter les règles de savoir vivre. Vous devez donc toujours faire preuve de civisme,

    Les règles de savoir vivre : où les apprend-on ? Les bonnes manières s’apprennent dès le plus jeune âge. Les premiers à initier le civisme aux enfants sont leurs parents. À ces derniers d’apprendre leur progéniture à saluer, à dire merci ou à dire au revoir.

     

     X/ La bienséance : Ce qu'il convient de dire ou de faire dans une société.  Elle se définit comme la capacité à se conduire de façon appropriée, dans un contexte social et culturel donné, et à interagir convenablement  avec les autres personnes présentes. La bienséance est prévue d’être apprise aux enfants à l’école, à travers des cours appelés  « éducation civique et morale ». Ces cours apprennent aux enfants à devenir de bons citoyens.

     En droit, les règles de bienséance reposent sur un code de bonne conduite. Elles ne s'imposent que dans les rapports individuels, et traduisent une marque de respect. Elles ne font pas l'objet d'une sanction étatique, mais d'une sanction morale et collective. La société réprouve le non-respect des règles de bienséance.

     Que vous veniez d’un pays de l’Occident, d’Asie ou d’Afrique, il existe des codes communs à toutes les sociétés. Lorsque vous vous trouvez dans une société présentant des normes différentes des vôtres, la bienséance est de faire comme ils font. Voir la charte.

     

    XI/ L’altruisme :  Il se trouve que les philosophes parlent d’altruisme, qu’ils définissent comme le souci désintéressé du bien d’autrui, une motivation dont la finalité est d’accroître le bien être d’autrui, ce qui n’est pas différent de la bienveillance, terme issu du latin benevole, « vouloir le bien de l’autre ». Si nous la pratiquions, tout irait bien en ce monde. Ne sommes-nous pas plus heureux lorsque nous faisons bien les choses, et apportons du bien aux autres ? Il conduit à maintenir notre paix intérieure et à la cohérence avec nos valeurs.

     

    XII/ Pour conclure : Les deux ‘Règles d’or’ (1 et 2) nous encouragent  à faire le bien à tous, et c’est avant tout donner, mais sans rien attendre en retour. Si nous commencions par nous unir autour d’elles, la société et l’humanité s’en porteraient beaucoup mieux, cela passe par la bienveillance, le savoir vivre, la bienséance, le bien agir, et l’altruisme, ensemble  à inclure dans son éthique de vie.

    La définition du bien, semble dépendre de la coutume, de la tradition, de codes, de conventions,  davantage que d’une loi naturelle qui serait commune à tous les hommes, de sorte que l’ambition d’établir des vérités morales universelles, comme il existe des universalités des langages scientifiques ou mathématiques, paraît vaine. Le discernement du bien et du mal est la base de l’éducation pour bien vivre ensemble, ainsi que les valeurs pour construire son parcours de vie, avec l’idée que tous les êtres humains sont égaux en droit et en dignité, mais sans oublier que nous ne sommes pas égaux, ni en fait ni en valeurs.

    L’anthropologue et ethnologue français, Claude Lévi-Strauss faisait à l’UNESCO en 1971, dans son second discours « Race et culture », il mettait en garde d’avoir une uniformisation de la culture au niveau mondial, et soulignait la nécessité de protéger la diversité culturelle.          A condition de s’immerger avec un esprit ouvert, il est possible, sans sacrifier son identité, d’intérioriser une autre culture.

     

    Nota : Comme le dit Abdennour Bidar dans son livre ‘Plaidoyer pour la Fraternité’ : « D’abord voir ce qui nous est commun, avant de voir ce qui nous diffère. Au delà de nos différences, il y a des choses qui peuvent nous rassembler ».

    Ma remarque : Ceci nous  permettrait en premier lieu, de coexister.        


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  • par Daniel Soulat

    24/03/2024

     

    Introduction : Philosophes, chercheurs, enseignants, experts en communication,  psychanalystes, se penchent sur la pratique de l’humour et du rire. Dans notre époque, on a tendance à confondre toutes les formes de rire et manières de plaisanterie sous le seul dénominateur de l’humour. Cette perte de nuance rend illisible et neutralise les distinctions nécessaires, quant aux différentes variétés qui cherchent à faire rire.

    L’humour se traduit sous différentes formes: Le comique, le burlesque, le trait d’esprit raffiné,  l’ironie, les jeux de mots, blagues, l’autodérision, le sarcasme pour certains, etc. Toutes ces formes d’humour n’ont pas le même sens et ne seront pas perçues de la même manière. On pourra voir en annexe le détail de différentes formes de l’humour et du rire.

    A quoi sert l’humour : A décrire ce qui est, en affectant de croire que c’est bien là ce que les choses devraient être. L’une des premières fonctions de l’humour, est de créer un lien d’humanité entre des individus, qui parfois ne se connaissent pas. La deuxième vertu est sa capacité à dédramatiser une situation en créant une distance, ô combien nécessaire. L’humour a cette vertu extraordinaire de déjouer le tragique. En riant d’une réalité tragique, nous ne modifions certes pas la réalité, mais nous transformons la perception que nous en avons. N’oublions pas qu’il est aussi un outil de remise en question, de contestation du pouvoir, il est une des manières de dire les incohérences de la société, en provocant.

    L’humour a une fonction sociale : L’humour peut se pratiquer avec différentes personnes tant que l’on rit avec l’autre et non de l’autre. De plus l’humour est un facteur d’altérité et de sociabilité, d’autre part il est porteur de messages. Ci-dessous voyons plusieurs récits.

    Récit I : Dans le film « Les grands esprits », Olivier Ayache-Vidal met en scène la confrontation entre deux mondes, et deux réalités sociales, sous forme d’une satire hilarante, avec pour fil rouge : Enseigner dans un prestigieux lycée parisien ou dans un collège d’éducation prioritaire, d’une banlieue défavorisée, est-ce le même métier ?

    Paris, près du Panthéon, dans une salle du temple de l'excellence, le lycée Henri IV, François Foucault (Denis Podalydès), agrégé de lettres et fin latiniste, d'origine privilégiée, revendique des principes intangibles d'enseignement, une autorité incontestable et une forme d'arrogance sans faille. Il est confronté à des collégiens, rétifs à l'autorité d'un maître enfermé dans sa haute idée du savoir, engoncé dans ses certitudes, dépourvue de toute légitimité. 

    En classe un élève se lève, et sans rien demander commence à vouloir sortir. Le professeur lui demande « où vas-tu, retourne à ta place ? ». L’élève reste debout et répond « M’Sieur, je vous jure, j’ai envie de pisser sur la tête de ma mère ». Le prof : « es-tu sûr de vouloir pisser sur la tête de ta mère ? ». L’effet produit est le rire de la classe. Le prof engage une correction grammaticale : « Ne serait-ce pas plutôt : Sur la tête de ma mère, je vous jure j’ai envie de pisser ? ». Le sens corrigé est ainsi obtenu et convaincant.

    Récit II Frédéric Lenoir, dans son livre ‘Petit traité de vie intérieure’ évoque Nasr Eddin Hodja, ce personnage célèbre dans le monde musulman, raconte aux enfants des anecdotes. Les soufis ont d’ailleurs inventé de nombreux contes qui, à travers l’humour, transmettent un message spirituel d’une grande profondeur :

    • Un calife vient de mourir. Alors que le trône est vide, un misérable mendiant vient s’asseoir dessus. Le grand vizir demande aux gardes de se saisir de ce loqueteux qui vient de commettre un tel sacrilège, mais ce dernier répond :
    • Je suis au dessus du calife ;
    • Comment peux-tu dire une chose pareille, s’exclame le grand vizir, stupéfait. Au dessus du calife il n’y a que le prophète ;
    • Je suis au dessus du Prophète, poursuit le mendiant, sans se départir de son flegme.
    • Quoi ! Qu’oses-tu dire, misérable ! Au dessus du Prophète il n’y a que Dieu ;
    • Je suis au dessus de Dieu ;
    • Blasphème ! hurle le grand vizir, au bord de la crise d’apoplexie. Gardes ! Etripez ce fou sur le champ. Au dessus de Dieu, il n’y a rien ;
    • Justement je ne suis rien.

    Cette autodérision et le bon sens, révélés dans un comique burlesque, sont déconcertants, quant à la provocation inconsciente du misérable mendiant.

    Récit III : « Une gare c’est un lieu où on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien. Parce que c’est un lieu où on passe. Parce que c’est un lieu qu’on partage ». Analyse du journal le Figaro : Cette petite phrase d'Emmanuel Macron, prononcée dans le cadre d'un discours sans note et manifestement improvisé, est sans aucun doute une maladresse de langage. Cependant elle révèle une vérité cachée, une arrière-pensée qui dit énormément du Président de la République et de ses habitudes de langage, qui sont aussi et surtout des habitudes de pensée. Et il n'est pas anodin qu'elle ait été prononcée devant un parterre d'entrepreneurs et de «startuppeurs», dans un lieu financé par le milliardaire X. Niel, au sein duquel la compétition règne.

    Pourquoi cette maladresse de langage ? L'habitus managérial (selon  P. Bourdieu est une prédisposition à agir, qui influence inconsciemment notre sens pratique, notamment dans les rapports de pouvoir), a pris le dessus à cette occasion, et l'a amené à formuler une arrière-pensée : Ne pas réussir, au sens économique du terme, c'est « N’être rien ».

    En décembre 2021, interrogé sur ses petites phrases lors d'un entretien télévisé LCI TF1 marquant la fin de son quinquennat, Emmanuel Macron dit regretter particulièrement cette phrase, indiquant : « On ne peut pas dire ça. J'ai cette formule, en effet, qui est terrible, c'est terriblement blessant. J'ai acquis une conviction : il faut bousculer* et donc je reste avec autant de volonté de bousculer le système, mais on ne fait rien bouger si on n'est pas pétri d'un respect infini pour chacun ».

    *Mon observation : A travers la provocation, la personne cherche de la reconnaissance, quitte à prendre le risque d'être mal perçue, en produisant un effet contraire à celui désiré.

    Je citerai André Comte-Sponville,  dans son livre ‘Que le meilleur gagne’ « Il faut tenir bon sur deux plans, l’égalité en droit et en dignité, et sur l’inégalité en fait et en valeurs  (accomplissement de soi incomplet pour certains, et valeurs morales différentes) qui justifient la compétition ». On peut citer : le code civil article 16 interdit toute atteinte à la dignité de la personne. Le principe de sauvegarde de la dignité humaine, protège toute personne contre les actes dégradants ou inhumains, qui pourraient la rabaisser au rang de chose.

    IV Voyons l’aspect psychanalytique, pour savoir ce que cela pourrait révéler ? Freud  était un collectionneur de mots d’esprit, ainsi que d’histoires juives, et il avait un fort sens de l’humour: Dans Le mot d'esprit et sa relation à l'inconscient, il avance l’hypothèse que le mot d’esprit révèle l’emprise inconsciente qui gouverne en sous-main la parole et le langage. On y retrouve également le procédé de déplacement (mécanisme de défense) qui permet de contourner les interdits. On y reconnait le procédé de figuration qui modifie la forme des mots, créant le double sens ou des jeux de mots, transforme la pensée en créant des non sens, en remplaçant une pensée par son contraire. Ainsi deux juifs se rencontrent à proximité d’un établissement de bains : « As-tu pris un bain ? », demande l’un. « Comment, dit le second, en manquerait-il donc un ? ». On voit ici le double sens de « prendre ». C’est en provoquant le rire, qu’il désarme l’Autre. Le rire est une façon de prendre un plaisir interdit, en passant par un détour.

    Freud indique, le mot d’esprit répond au principe de plaisir, offre une face polémique, une pointe plus ou moins acérée qui, dans certaines conditions de réception, vaudra offense, soulèvera indignation ou scandale.  Selon lui, l’humour, peut être conçu comme la plus haute de ses réalisations de défense. Le travail du trait d’esprit suppose une levée de l’inhibition (elle consiste à dire ou à faire quelque chose sur un coup de tête, sans penser à l'avance, à ce que pourrait être le résultat indésirable ou même dangereux). C’est donc contraire au but recherché, qui est de relier les êtres humains.  Il est marqué par sa brièveté, il ne se concocte pas, il ne se prévoit pas, il jaillit à la surprise même de celui qui les énonce, voilà le propre du trait d’esprit.

    Freud résume son approche : Le mot d’esprit comme l’humour jouent d’une libre division intérieure et déjouent la censure préconscient-conscient.  

    Conclusion : L’humour, est un ingrédient essentiel des relations humaines, il rassemble, désamorce les tensions et déclenche des émotions positives. La pratique du langage humoristique et de la provocation usent de la désinhibition, mais attention aux maladresses dues au manque de respect. Dans tous les cas la dignité humaine ne doit pas être atteinte en la rabaissant. Attention au sarcasme voilé inconscient, sorte de pression psychologique, il est donc une forme de rire d'emprise. Dès lors prévoir l’humour comme outil de la pédagogie pour les enfants et les principes fondamentaux de l’humour : La bienveillance et le respect de l’Autre. 

    Annexe  

    Comique : Qui fait rire, il existe plusieurs sortes de comiques ;

    Comique de situation : repose souvent sur un quiproquo : deux personnages comprennent les mots dans un sens différent.

    Le comique de gestes. C'est l'attitude même du personnage qui fait rire, avec ses gestes et ses mimiques (grimaces, coups de bâton, chutes...).

     Le comique de répétition. ... est une technique de narration faisant appel à une blague ou à une référence comique qui revient plusieurs fois de suite, sous la même forme ou sous une forme légèrement modifiée.

     Le comique de mots. ... Le personnage fait rire le public tout en parlant et exploite les ressources du langage : répétitions, jeux de mots, calembours, déformations, accents, …

     Le comique de caractère : exagère les défauts humains. Il est fondé sur la psychologie des personnages qui prêtent à rire ;

     Aujourd’hui vulgarisé, le comique se trouve dans les situations burlesques et les quiproquos (erreur qui consiste à prendre une personne, une chose pour une autre, malentendu qui en résulte, des quiproquos comiques) de la vie quotidienne.

    Burlesque : se dit aujourd’hui couramment pour désigner un comique exagéré, extravagant qui repose généralement sur un décalage entre la tonalité et le sujet traité dans un texte ;

     L’ironie « action d’interroger en feignant l’ignorance, manière de se moquer de quelqu’un ou de quelque chose en disant le contraire de ce que l’on veut entendre »,

    La moquerie est le langage du mépris, citons des extraits de Les caractères ou les mœurs de ce siècle de Jean de La Bruyère : «  la moquerie est souvent indigence d’esprit » ; « la moquerie est de toutes les injures celle qui pardonne le moins ».

    Le mot d’esprit est un jeu inconscient de l’esprit sur le langage, qui provoque une satisfaction particulière, et qui  comporte un rôle particulier dans la vie psychique.

    Le mot d’esprit ou trait d’esprit, il est une réplique fine et subtile, pas toujours bien intentionnée. Wikipédia Exemple : Au roi Louis XVI qui dit à Rivarol : – On raconte que vous faites des mots d'esprit sur tout. Faites-en un à mon sujet, ce dernier répond : – O Sire, le roi n'est pas un sujet.

    La satire est caractérisée comme un genre littéraire qui s’attaque à quelqu’un pour s’en moquer, une représentation critique et comique cinglante d’un défaut, d’un vice, d’un mensonge ou d’une injustice. Arme dangereuse et redoutable d’un double point de vue, la satire peut meurtrir, voir susciter le mépris à l’égard de la personne visée, comme elle peut aussi porter préjudice à son auteur. Ds Je pense que cela qualifie le film les grands esprits ;

     La dérision renvoie à une pratique négative et critique. Elle n’est pas une plaisanterie inoffensive. Elle vise une cible qu’elle cherche à toucher et ce but est atteint lorsqu’elle blesse, rabaisse, humilie. La dérision caractérise un refus de soumission. La dérision porte une dimension de contestation, de remise en cause de l’ordre établi, ou avec les normes sociales largement acceptées dans une société, notamment les rapports de pouvoir. La dérision exprime alternativement, voire simultanément, le comique et le tragique. 

    L’autodérision : fait de se moquer de soi-même ;

    Le sarcasme est une moquerie ironique, une raillerie tournant en dérision une personne ou une situation. Il peut être considéré comme une forme d'ironie piquante ou belliqueuse.  Quora.com 20 Que dit l’utilisation du sarcasme sur la personnalité de quelqu’un ? Le sarcasme est une forme d’agression verbale utilisée pour masquer sa propre nature compétitive. C’est une personne sarcastique qui veut et a besoin d’élever socialement son statut en dévaluant quelqu’un d’autre. Certaines personnes pensent que le sarcasme est drôle.

    Le sarcasme n’est pas de l’humour

    Citation d’Edgar Morin : « Le monde des intellectuels qui devrait être le plus compréhensif, est un monde gangréné par l’incompréhension, par l’hypertrophie de l’égo, le besoin de consécration, et la soif de gloire ». Cf La Méthode, Ethique 2004

    Comme le disait Pierre Desproges :  "On peut rire de tout, mais pas avec tout le monde"


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  • par Pierre Marsal

    21/03/2024

     

    Les événements vont vite. Depuis la rédaction du premier billet en décembre 2023, bien des choses se sont produites. En particulier la multiplication des programmes et logiciels dédiés à l’IA générative, leur emploi étendu à tous les secteurs de l’activité, encore qu’ils existassent déjà dans de nombreuses applications informatiques (correcteur d’orthographe, reconnaissance et commandes vocales), la propagation de leur emploi après du grand public (les applications pour ordinateur ou mobiles multifonctions se généralisent et se banalisent).

    C’est une révolution que certains comparent à l’invention de l’écriture. C’est-à-dire qu’elle serait susceptible de bouleverser le devenir de l’humanité. L’antique concept  de paradigme, rajeuni par le philosophe et historien des sciences Thomas Kuhn, et dont on abuse de nos jours, pourrait être légitimement repris pour décrire la situation. On est effectivement là en présence d’un modèle de pensée, d’interprétation et de création nouveau. Comme le fut le monde post-newtonien. De même que la mécanisation a en partie libéré l’être humain de travail physique, cette innovation peut l’aider, le libérer, voire se substituer à lui, dans son travail intellectuel et dans l’acte de création. On pourrait multiplier les exemples : créer des œuvres musicales à la manière de Mozart, des œuvres picturales qui portant l’empreinte de Léonard de Vinci. Il y a peu de limites !

     

    Comme toute innovation majeure elle porte en elle ses bénéfices et ses dangers. Sur ce dernier point il y a profusion de déclarations et d’écrits qui les pointent (désinformation, manipulation, discrimination, atteinte à la vie privée, à la propriété intellectuelle, aux droits d’auteur, à la confidentialité des données, creusement des inégalités, pertes d’emploi, cyber-sécurité, « hallucinations », etc.) et qui préconisent des garde-fous.  Tout le monde s’en préoccupe et, pour une fois, les autorités, nationales comme européennes, semblent ne pas avoir pris trop de retard sur l’événement.

    Plus précisément, les éducateurs, les philosophes, les éthiciens, les sociologues... s’interrogent : quel sera à l’avenir l’homo intelligentiae artificialis (pardon pour ce néologisme) ?

     

    Passons rapidement sur toutes les incidences que cela peut avoir sur l’économie. Sur le marché du travail (nouvelle avancés en matière d’automatisation, disparition et créations d’emploi, remise en cause des compétences), sur la productivité, sur la répartition des richesses, sur les inégalités... Plus importante peut-être pour le proche avenir, bien que peu souvent abordée, semble être son incidence sur le système économique.

     

    Fin 2022 lorsque fut lancé dans le public la première version de Chat-GPT, elle était accessible gratuitement à tous, comme l’est toujours Wikipédia. On l’utilise encore dans les mêmes conditions. D’autres comme Bard, devenu Gemini, fonctionnent selon les mêmes principes, celui des programmes open source librement utilisés et diffusés. Ils ont donc toutes les caractéristiques des biens communs, ce qui nous renvoie à notre séance du 26/01/2023 (N’y a-t-il d’autre choix qu’entre l’étatisme et le néolibéralisme ?)

    https://sites.google.com/site/enseignementphysiqueclassique/n-y-a-t-il-d-autre-choix-qu-entre-l-etatisme-et-le-neoliberalisme

    Aucune discrimination donc n’est faite entre les utilisateurs. Pourtant des nouvelles versions, plus sophistiquées et payantes sont mises progressivement sur le marché. Cela peut se comprendre eu égard au coût fantastique du développement de ces programmes. Par ailleurs de grandes entreprises, publiques comme privées, conçoivent des programmes d’IA spécifiques pour leurs besoins propres. De plus en plus la sélection se fait par l’argent : l’IA générative devient donc un bien privé avec toutes les caractéristiques que cela implique, notamment l’exclusivité. Les entreprises les mieux dotées en capitaux vont en tirer un avantage concurrentiel.

     

    Ainsi donc, comme le remarque le philosophe Pascal Chabot, l’IA ne fait que manipuler du langage (au sens large du terme), bien commun gratuit de l’humanité, mais aboutit à la marchandisation du langage. Jusqu’à présent « tout a été acheté sur cette planète, des animaux à l’eau, de la force de travail au temps ». Ne restait que le langage. Maintenant c’est fait. « Si les mots ne sont plus de provenance humaine, rien n’empêche de les monnayer ».

     

    C’est donc le triomphe de l’économie capitaliste qui, progressivement, privatise ce qui ne l’était pas encore. Ce que d’aucuns qualifient de capitalisme linguistique.

    On doit ce concept au linguiste et sociologue Robert Phillipson. Il expliquait ainsi l’utilisation du langage comme ressource économique et outil de pouvoir. Ce n’est pas nouveau : marques et slogans publicitaires protégés, traduction automatique payante. Il en va de même avec la maîtrise d’une langue dominante qui donne au locuteur un pouvoir de négociation supérieur (à noter que Marx déjà évoquait le pouvoir du langage de la classe dominante, comme outil pour asseoir sa domination).

    Ce marché linguistique n’est pas récent. Déjà Google avait fortune en mettant en place un système d’enchères payées en fonction du nombre de requêtes sur des mots clés renvoyant à des publicités d’entreprises.

     

    Le concept de capital linguistique n’est pas sans évoquer le capital culturel, lié à l’origine et au milieu social des individus qui pérennisait les inégalités. Les codes linguistiques en faisaient partie (Ce que parler veut dire, 1982).


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  • par Pierre Marsal

    12/12/2023 et 6/01/2024

     

    Premier complément

    C’est l’émergence en fin 2022 de ChatGPT qui a popularisé le concept d’IA générative. Mais l’intérêt, voire les préoccupations, portés par les milieux économiques, industriels et politiques sont  bien antérieurs.

    - Pour la France on peut citer le rapport de mission rédigé sous la direction de Cédric Villani, le mathématicien alors député, remis au Premier Ministre Edouard Philippe en mars 2018 (« Donner un sens à l’intelligence artificielle – Pour une stratégie nationale et européenne »). Centré sur économie « articulée autour de la donnée », on y trouve de nombreuses recommandations, dont certaines sont très actuelles. Par exemple, de transformer l’enseignement, de mettre la santé, le transport « à l’heure de l’IA »,  de faire de la France  « le leader de l’agriculture augmentée », de mettre l’IA au service de la défense et de la sécurité. Y sont évoqués des questions de financement, d’organisation de la recherche, sans oublier les problèmes éthiques posés.

    - Au niveau européen, la Commission qui travaille depuis plusieurs années sur ce sujet, est en train de finaliser un projet de législation, l’IA Act, qui sera soumis très prochainement au Parlement et au Conseil européens. Il faut se doter des moyens nécessaires pour donner une place majeure à l’Europe, tout en édictant des règles très précises et une législation adaptée pour préserver les prérogatives des Etats, les droits et les libertés des citoyens, en interdisant des usages leur portant atteinte (par exemple la surveillance et le traçage des individus). Le temps presse car les initiatives d’Etats puissants ou de grandes firmes avancent vite. Ainsi Google dont le programme Gemini qui exige de gigantesques moyens de calcul (10 zettas flops, soit 1025 opérations en virgule flottante par seconde !) devrait être opérationnel en 2024.

     

    Second complément

    Les événements vont vite en ce domaine.

    - Presque chaque semaine on apprend de nouvelles prouesses rendues possibles grâce à l’IA : mise au point de nouveaux médicaments, de nouveaux vaccins, de nouveaux, antibiotiques, de nouveaux matériaux.

    - Le célèbre linguiste Noam Chomsky, a joué un rôle important dans le développement de l’IA, plus particulièrement dans la logique computationnelle grâce à sa théorie de la syntaxe du langage naturel et de la grammaire générative. Depuis longtemps il  a pris position sur l’IA : elle ne peut pas reproduire l’intelligence humaine, ne doit pas être utilisée pour des fins funestes et doit être développée démocratiquement. Aujourd’hui, avec d’autres grandes figures de lia comme Geoffrey Hinton (prix Turing 2019) il s’inquiète des performances de cette technologie. Il est en effet très étonnant que cette technique, simple dans son principe (prédire le prochain mot d’une phrase en utilisant une gigantesque base de données), acquière des capacités qu’on n’attendait pas d’elle.  Comme de résoudre des problèmes mathématiques. C’est un processus totalement opposé à celui qu’utilisent les humains. Son « raisonnement » est incompréhensible. A-t-on créé un nouveau typa d’intelligence, totalement inconnu de nous ?

     

     

     


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  • par Pierre Marsal

    2/12/2023

     

    « L’IA est une technologie qui a le potentiel de transformer notre monde, tant positivement que négativement. Il est important de nous préparer aux risques potentiels de l’IA, tout en nous concentrant sur ses avantages potentiels » (Le Monde, 20 juillet 2023). Cet entrefilet résume bien le débat qui fait florès ces derniers mois.

     

    Brève mise en perspective : l’enjeu du débat

    Le grand public, comme la presse populaire, découvrent ce problème depuis tout juste un an, en décembre 2022, quand ChatGPT, créé par la société OpenAI, a été rendu public en accès libre. En fait le concept d’IA est beaucoup plus ancien et couvre un plus large champ que ce modèle de langage génératif.

    On pourrait remonter assez loin dans l’histoire, quand furent imaginées et parfois construites des machines autonomes capables de simuler l’action des êtres vivants et la pensée des humains. Par exemple les automates comme le fameux canard de Vaucanson ou encore la Pascaline, machine à calculer conçue par Blaise Pascal. Mais l’origine de ce concept est beaucoup plus récente : on peut le faire remonter aux travaux du génial mathématicien Alan Turing qui, il y a environ trois quarts de siècle, dans les années 50, a conçu un test destiné à déterminer si une machine était « intelligente », c’est-à-dire s’il était impossible de déterminer si son action était ou non celle d’un être humain (test de Turing). Depuis lors, le terme d’IA a été adopté et a donné lieu à de nombreuses recherches dans des domaines aussi variés que l’informatique, la cybernétique, les sciences cognitives, etc. Après des années de tâtonnement, la technique des « réseaux de neurones », permise par la montée en puissance des capacités des ordinateurs, a relancé l’IA en en multipliant les champs d’action et les performances. Aujourd’hui l’IA se décline en plusieurs branches regroupées en deux catégories, l’IA faible, et l’IA forte. La première est capable d’effectuer de façon autonome une tâche bien déterminée. La seconde serait capable de se comporter comme un être humain. C’est une technologie qui reste hypothétique. Mais elle suscite de nombreuses craintes. Notamment celle du « grand remplacement » de l’homme par la machine. C’est ce que déclarait Stephen Hawking en 2014 à la BBC : « Je pense que le développement d’une intelligence artificielle complète pourrait mettre fin à l’humanité »2. Pourtant, quelques années plus tard il ajoutait que « L’IA pourrait être le plus important événement de l’histoire de notre civilisation »

     

    L’IA, comme la langue d’Esope, est-elle la meilleure ou la pire des choses ?

    Les points de vue contrastés de ce grand physicien montrent la complexité de cette question et l’incertitude sur le devenir de cette innovation. Bien que les controverses actuelles portent surtout sur l’IA générative, qui n’en est qu’un aspect, ils résument bien les enjeux de l’IA.

    L’IA générative est utilisée pour créer des nouveaux contenus, textes, images, musique, vidéos, qui ne sont le plus souvent pas distinguables des productions humaines. Toutes les principales entreprises du secteur du numérique ont mis au point des programmes en évolution rapide et adaptés aux usages qu’on attend d’eux : GPT-3, LaMDA, BARD pour le texte, DALL-E2, Imagen, pour l’image, MuseNet, Magenta, pour la musique, etc. Tous en perfectionnement continu. Les projets se multiplient et, contrairement à ce qu’on pourrait croire, la France n’est pas trop mal placée dans la compétition mondiale.

    Mais les enjeux comme les risques sont colossaux. Enjeux de domination scientifique, économique, politique, culturelle et même militaire, qui exigent des investissements massifs que tous les Etats, toutes les entreprises internationales, ne sont pas capables d’assumer. Risque de séisme économique avec des pertes d’emplois massifs des secteurs concernés, c’est-à-dire la quasi-totalité de ceux qui existent (communication, finance, santé, enseignement, conception de produits comme l’automobile, même les PME, etc.). Déjà ces perspectives suscitent des réactions, des grèves par exemple chez les journalistes, chez les scénaristes à Hollywood... Tous les secteurs dans lesquels il faut traiter et synthétiser très rapidement une grande masse d’information sont concernés (météorologie, sciences médicales et pharmaceutiques par exemple). Déjà certains ont sauté le pas comme le quotidien Le Monde qui utilise régulièrement le logiciel libre DeepL pour traduire des articles : c’est effectivement de l’IA, mais non générative comme le redoutent les journalistes. Dans l’enseignement on commence à s’inquiéter de l’usage que peuvent en faire élèves et étudiants pour produire des écrits rédigés par un programme IA, non détectable à la différence de Wikipedia.

    Un autre enjeu majeur est celui des finalités de l’IA. Ces programmes doivent-ils être au service de l’humanité entière ou devenir le monopole des grands Etats et ou de puissantes entreprises ? Déjà la question s’est posée à l’occasion du récent renvoi temporaire du jeune Sam Altman, optimiste patron d’OpenAI créatrice de ChatGPT, soucieux d’un développement altruiste, transparent et financièrement désintéressé, alors que son CA qui tentait de l’évincer avait des visions mercantiles à long terme. C’est la reproduction des dérives des GAFAM.

    Pour terminer ce bref aperçu, il faut pointer le risque inhérent à l’explosion de la demande en énergie nécessitée par le traitement informatique d’un nombre considérable de données.

    Après tout, ce qui se passe avec l’IA c’est ce qu’il est advenu de toutes les grandes innovations techniques depuis l’invention du métier à tisser, jusqu’à la mécanisation puis l’automatisation de diverses tâches. Des métiers disparaissent (standardistes, sténodactylos, etc..), ce qui a souvent créé des troubles, voire des révoltes (canuts lyonnais, luddites anglais...). Troubles sévères, mais momentanés dans la mesure où de nouveaux métiers apparaissaient et que la productivité du travail s’accroissait. C’est ce que Schumpeter nommait « destruction créatrice ». La question est de savoir quelle sera la rapidité de cette mutation. Il faut que les générations s’adaptent sous peine de difficultés considérables. Toutes les craintes sont permises.

     

    Espoir ou danger ? Un vieux débat

    Au-delà de cette affaire, c’est la vieille question de l’impact de la technique sur la société qui est posée. Elle a beaucoup agité plusieurs générations de penseurs. Il y a les optimistes et les pessimistes.

    Gilbert Simondon, grand philosophe malheureusement un peu oublié, inspiré de Husserl, Bergson et Canguilhem notamment, considérait que la technique artificielle3, c’est-à-dire celle créée par l’homme, est une médiation indispensable entre les humains et le monde : c’est un phénomène culturel et non un simple outil. Les objets techniques ont un mode d’existence qui les associe à l’existence humaine. Simondon aurait été très intéressé par l’IA. Sa pensée, très complexe, en fait le précurseur ou le chef de file de tous ceux qui qui portent un regard plutôt optimiste sur la technique, comme Bernard Stiegler ou Bruno Latour.

    De l’autre côté, à peu près à la même époque, Jacques Ellul considérait que la technique est un phénomène autonome qui a sa propre dynamique : elle finit par échapper au contrôle humain et constitue une menace pour l’avenir de l’humanité. Avant lui Heidegger estimait que la technique moderne est un danger totalitaire pour l’humanité en ce qu’elle exige de la nature plus que ce que sa générosité lui offre spontanément : elle la pro-voque au lieu de l’inciter à pro-duire. Les humains abusent ainsi de l’énergie (au sens large) mobilisable.

    Ces deux derniers exemples montrent que les jugements sur la technique dépassent les opinions partisanes. Quelles convergences peut-il y avoir entre un Ellul, historien-sociologue et théologien protestant anarchisant, et Martin Heidegger, considérable philosophe qui n’a jamais caché son antisémitisme et son engagement nazi4 ?

     

    Pierre Marsal  02/12/2023

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    1 La Commission européenne définit ainsi l’IA : « ensemble de logiciels qui est développé au nom d'une ou plusieurs techniques et approches, qui peut, pour un ensemble donné d'objectifs définis par l'homme, générer des résultats tels que des contenus, des prédictions, des recommandations ou des décisions influençant les environnements avec lesquels il interagit. »

    2 Il craignait par exemple l’avènement de robots tueurs.

    3 La technique naturelle c’est par exemple la construction de ruches par les abeilles, de nids par les oiseaux.

    4 Autre paradoxe : Hannah Arendt, élève et maîtresse d’Heidegger, craignait aussi la technique. Et elle était juive !

     


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