• Non aux caricatures de Mahomet à l'école !

    par Benoît DELCOURT

    18 novembre 2020

     

    Maintenant qu’est peu ou prou retombée l’émotion liée à l’assassinat d’un professeur sympathique et compétent, le type même du « bon prof » , il est possible de s’interroger sur l’opportunité de discuter de la présentation à l’école des caricature de Charlie Hebdo. Cette utilisation de caricatures ne fait pas l’unanimité du corps enseignant, et d’ailleurs Samuel Paty se posait des questions sur sa légitimité. Il n’est pas question d’approuver ici la barbarie de l’acte dont a été victime Samuel Paty, que ce soit bien clair.

    Qu’un journal présente des caricatures me semble parfaitement normal. Il s’adresse à des adultes et le droit au blasphème ne doit pas être limité. Après tout, un adulte musulman ou chrétien doit être capable de défendre sa foi contre ceux qui la moquent. De toutes façons, « tout ce qui est excessif est insignifiant », et ces caricatures ne gènent vraiment que ceux des adultes qui ne sont pas très surs de leur foi.

    Mais à l’école ? A l’école, on a affaire à des personnes qui se cherchent, qui ne sont pas encore déterminées sur ce qu’elles garderont de la foi ou de l’absence de foi de leurs parents, en tous cas pas tous. Montrer des caricatures de Mahomet vaut affirmation, pour certains de ces jeunes en devenir, que le religion musulmane est erronée, ridicule. Evidement ce n’est pas le but de l’enseignant d’arriver à ce piètre résultat, mais c’est pour quelques uns ce qu’ils retiennent d’une telle présentation. : Le rôle de l’enseignant est de présenter aux jeunes gens toutes les possibilités qui leur sont offertes, de telle manière qu’ils puissent choisir plus tard leur métier futur ou leur foi, enfin ce qui sera leur vie.

    Ce genre de problème est plus compliqué pour les élèves musulmans que pour les élèves de racines chrétiennes: certains d’entre eux sont nouveaux venus dans le système scolaire Français et peuvent n’en pas connaître encore tout ce qui s’y fait ou ne s’y fait pas. Ils viennent souvent de pays où l’existence d’Allah est un postulat qui fait partie de la vie de tous les jours, et voir ce postulat raillé en classe est alors pour certains très violent. Je ne crois pas que cette violence soit opportune, et éduque vraiment à la liberté de penser.

    Enfin, parlons laïcité. Il est dit dans la loi de 1905 que l’Etat ne reconnait pas les cultes. Très bien, au moins les cultes n’ont pas de compte à rendre à l’Etat, et par exemple ce dernier ne se mèle pas de la nomination des évêques ou pasteurs. La tradition, depuis 1905, veut que l’Etat soit bienveillant envers les religions, mais pas plus. L’Etat est donc neutre au point de vue religieux, c’est une chose que tous les Français acceptent et dont ils profitent (plus de guerre de religions !). Mais l’Education Nationale, c’est l’Etat ! Où est sa neutralité quand certains lycéens se sentent ridiculisés parce que musulmans ?

     

    « Enfin le vingt et unième siècle ?Une économie pour le nouveau siècle ? »

  • Commentaires

    1
    Pierre M.
    Vendredi 20 Novembre 2020 à 12:56

    Et si j’avais été dans la classe de Monsieur Paty ?

     

    Ma première réaction fut une approbation totale du texte de Benoît. Et puis… Et puis, au lieu de théoriser ma réaction je me suis souvenu. C’est donc un témoignage personnel que je livre ici. Qu’on veuille bien m’en excuser.

     

    A six ans, chez mes grands-parents, là où m’avaient envoyé mes parents, croyant – finalement à tort – que j’y serais mieux protégé, je suis entré dans ma première école communale (il n’y avait pas de maternelle alors). Une des premières choses que m’a apprise l’instituteur (très sympathique, j’en ai gardé un bon souvenir) ce fut de chanter « Maréchal nous voilà ». J’en ai encore l’air et le début des paroles dans la tête. Ma première récompense scolaire fut une belle image en couleur représentant d’un côté Philippe Pétain avec ses beaux yeux bleus ; de l’autre côté un dessin de Philippe-Auguste écrasant les Anglais à Bouvines. Quand je revenais chez mes grands-parents j’entendais. Radio-Londres : j’ai encore en tête la musique lancinante du brouillage et les phrases absurdes qui y étaient lues. Sans bien me rendre compte de ce conflit d’idées, j’avais une profonde détestation des miliciens et des « boches ». J’ai mis de nombreuses années à considérer que les Allemands étaient des êtres humains comme nous. D’autant plus que ces « boches » avaient fait beaucoup de dégâts matériels et humains en se retirant du petit coin de France où je me trouvais. Je ne tire pas de conclusion de cette anecdote, mais j’essaie de me mettre à la place d’un jeune pris entre deux systèmes de valeur, d’un enseignant qui a devoir de réserve et d’obéissance à son administration.

     

    Finalement le blasphème serait plus un délit politique que religieux (voir

    https://www.herodote.net/Un_delit_politique_plus_que_religieux-synthese-2795-83.php ). Vouloir protéger une Divinité – toute puissante et pleine de miséricorde par définition – contre de vulgaires attaques, c’est la dévaloriser. C’est lui conférer le statut d’une personne handicapée à qui on attribue des droits que d’autres n’ont pas, afin de compenser leur handicap. Allez dire à un intégriste qu’il prend son Dieu pour un débile mental !

     

    2
    Lundi 23 Novembre 2020 à 17:45

    On se dit d'abord que tu as raison, et que les caricatures ne doivent pas dépasser certaines bornes, surtout quand on les utilise pour illustrer concrètement un concept en cours d'éducation civique dans des classes de collège.

    Et puis après réflexion, on se heurte à la fois à des difficultés de mise en oeuvre et à l'évolution des moeurs dans nos sociétés occidentales Je m'explique.

    Si on considère que la liberté d'expression est totale, il n'y a pas de difficultés : tant qu'on ne diffame pas ou qu'on ne diffuse pas des appels au meurtre, on dit ce qu'on veut. C'est la laïcité à la française et c'est clair. Mais quand on fait appel à des concepts flous tels que le respect de la religion quelle qu'elle soit, cela revient à ne plus pouvoir rien dire. Comme le note très bien Caroline Fourest dans le lien que je vous joins ci-dessous, l'Islam considère que l'image des prophètes ne doit pas être reproduite et encore moins caricaturée. Ceci revient à dire que Jésus, qui est un prophète de l'Islam, ne doit pas être caricaturé. Vous voyez où ça nous mène ? Il faudrait faire la liste de tout ce qui est interdit, et quand on commence, on ne sait plus où ça va s'arrêter.

    Ensuite, les enfants dans les collèges : ils sont beaucoup plus délurés que nous l'étions à leur âge et même que nous le sommes aujourd'hui. Voir Mahomet ou Soeur Emmanuelle dans le plus simple appareil ou en train de faire des choses pas catholiques, ils n'en ont rien à cirer, ils en ont vu bien pire sur leurs smartphones, autorisation parentale en fonction ou non. Il faut donc que les profs choisissent eux-mêmes ce qu'ils utilisent dans leurs cours, laisser cela à leur appréciation, rien d'interdit, mais rien d'obligatoire non plus. Et surtout ne pas céder à la peur des représailles. Les catholiques ont été caricaturés, et durement, depuis des lustres, ils n'ont jamais tué personne pour autant. C'est cela la différence : les musulmans extrémistes en sont encore à l'époque de l'Inquisition, ils ont donc près de 500 ans de retard...Espérons qu'ils nous rattraperons vite !

     

    https://www.lci.fr/replay/video-24h-pujadas-du-mercredi-18-novembre-2020-2170492.html

    Cela se trouve entre les minutes 58 et 1h08 environ

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    3
    Jeudi 26 Novembre 2020 à 15:08

    Je crois qu'il convient de distinguer la nudité du porno de la nudité faite pour humilier. Par exemple, dans les tableaux anciens de l'enfer et du paradis, on voit le justes au paradis habillés de belles robes blanches, et les "mauvais" en enfer tous nus; de même à Auchwitz, les victimes étaient elle dénudées, pour les humilier.

    Tu dis, Jean-Jacques que les enfants sont habitués au porno: je n'en suis pas sûr, mais je veux bien t'en faire crédit. Mais c'est hors sujet: montrer Mohammed à poil n'est pas fait pour exciter les voyeurs, mais pour humilier les musulmans. Ces derniers, je l'ai dit, ne devraient pas s'en faire s'ils sont adultes, mais c'est plus compliqué pour les ados.

    4
    JP Vérollet
    Dimanche 29 Novembre 2020 à 10:39

    Grâce au débat sur le "revenu de base universel" que je rejoindrai plus tard,  je (re)découvre le blog et le débat sur les caricatures religieuses.

    Rapidement: 

    *  il est normal qu'un enfant puisse être « choqué » par ce qu'il découvre et apprend (ou pas!) à l'école. Le problème est aussi et surtout ce qui se passe ensuite ! Pour sortir une seconde du débat religieux, imaginons qu'un enfant d'une famille " à terre plate" découvre au collège que la terre est bizarrement ronde et le dise à ses parents le soir. Le professeur risque-t-il d'être décapité? Sermonné par les parents? Critiqué de son audace par ses pairs? Je ne sais pas mais ça n'a pas fait la une des journaux, nulle part.

    * le problème est donc seulement dans la réaction de certains parents peu nombreux mais efficaces vis-à-vis de  l'enseignement "républicain français" qu'a effectué S Paty, partisan de la rotondité de la terre. La réaction actuelle des enfants est surement très diverses (JJV) et en tout cas momentanément inoffensive.

     * Pour le retard des extrémistes de l'Islam qui ont pourtant bien assimilé portables et NTIC, la différence avec la « sainte ! » inquisition, extrémiste en son temps elle aussi, est que celle-ci ne peut se déduire du Nouveau Testament qui n'a pas d'incitation au suprémacisme religieux. Ceci au grand dépit de l'association fréquente autrefois des états (royaumes mais pas seulement) et du clergé, tous les 2 catholiques, qui l'auraient bien souhaitée et l'ont exercée en France à leurs avantages réciproques  en des  temps aujourd’hui lointains.

     

    Ces  abus exorbitants, ces « hérésies ? » sont heureusement révolus car non justifiées  ni par le Texte fondateur, ni depuis longtemps  par le Pape son gardien principal... et aussi  par ailleurs partisan "du revenu de base universel"

    Le fondement de l’extrémisme islamique dépasse le banal retard temporel en une période où tout évolue très vite, sauf l’extrémisme en général, curieusement.

     

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