• De Pierre Marsal


    (Je voudrais citer) le récent ouvrage de mon confrère Heinz Wismann, qui est probablement une des personnes les plus remarquables que j’ai eu la chance de rencontrer dans mon existence (je peux les compter sur les doigts de mes mains, toutes catégories confondues : scientifiques, chefs d’entreprise, hauts fonctionnaires, et même ministres ou simples citoyens). Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que je l’évoque. Il est tout autant philosophe que philologue ou épistémologue. Je vous le cite car vous êtes des germanistes avertis et qu’une partie de ce qu’il développe est certainement davantage compréhensible par des familiers de cette langue. Ce qui n’est pas mon cas. Malgré mon handicap j’y ai appris des choses intéressantes par exemple sur l’incidence dans le comportement social du placement du verbe en fin de phrase, sur la spécificité des universités allemandes par rapport aux françaises, sur le décryptage de mai 68. etc. En tout cas c’est un ouvrage qui me semble destiné à faciliter la connaissance mutuelle entre peuples. Mais il y a de nombreux passages où il faut sérieusement s’accrocher (à lire et relire) et avoir une connaissance littéraire et philo solide. Il m’a dit avoir fait exprès !  

    Heinz Wismann, Penser entre les langues, Albin Michel, sept-2012, 320 p.

     


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  • par Jean-Jacques

    J’ai été frappé hier soir, et je dirai même choqué, par un petit reportage du Journal de 20 heures de France 2 portant sur les couples refusant volontairement d’avoir un enfant. Il apparaît deux raisons à cette volonté délibérée :

    -      ceux qui agissent par pur égoïsme, ne voulant en aucun cas être dérangés dans leur vie confortable par la présence souvent contraignante d’un enfant, mais qui l’assument malgré le regard généralement désapprobateur des autres ;

    -       ceux qui disent obéir à une volonté politique ou écologique pour limiter la multiplication de la population humaine sur une Terre qui n’aura bientôt plus la possibilité de la nourrir convenablemen

    Aucune de ces raisons ne me semble défendable, du moins dans nos pays développés.

    Pour la première attitude, tout est dans le mot « égoïsme », il y a peu de choses à rajouter. On peut néanmoins la comprendre ou l’approuver pour les personnes psychologiquement faibles, ou qui n’auront pas la capacité physique ou mentale d’élever correctement un enfant.

    Pour la seconde, je pense que, soit c’est une fausse raison pour ne pas être taxé d’égoïsme (c’est donc la même chose que la précédente, sans le courage de l’assumer), ou alors c’est une erreur majeure. En effet, si je suis bien d’accord sur le fait qu’il faut essayer de trouver un moyen pour limiter la population mondiale, ce n’est pas dans nos pays occidentaux qu’il faut agir en priorité : ils sont déjà en sous-natalité, et la population de la plupart des grands pays baisse et vieillit, sauf à faire appel à l’immigration, ce que beaucoup ne veulent pas. C’est en Asie et en Afrique qu’il faut trouver des solutions, soit en réduisant d’autorité le nombre d’enfants comme en Chine, avec des effets secondaires terribles (infanticides, explosion du nombre de garçons aux dépens de celui des filles, etc), soit par l’éducation des populations menant naturellement vers une autolimitation.

    Qu’on ne me taxe pas pour autant d’avoir une vision étroitement occidentale des choses : si on suit le raisonnement de ces personnes qui ne veulent pas d’enfants, dont le nombre augmente dans les pays développés, à quoi va-t-on aboutir ? Dans cinquante ans, nous aurons une Europe et une Amérique vidées de leur population, pleines de vieillards enfermés dans des bunkers, continuant à consommer quatre ou cinq fois plus de ressources que le reste du monde, et un Tiers-Monde surnuméraire et crevant de faim, ne rêvant que d’aller occuper les contrées des vieux pays « évolués ». Ou alors l’immigration aura déjà remplacé les populations d’aujourd’hui, et nous aurons un « Occident » qui ne ressemblera plus à celui que nous connaissons. Reste à savoir si c’est un bien ou un mal, mais dans les deux cas l’impact écologique sera le même, les pays développés, qu’ils soient occupés par une faible population originelle ou par des immigrés intégrés, consommeront toujours autant de ressources non renouvelables. 

    Autrefois, la population se maintenait ou croissait faiblement, car si les femmes avaient couramment beaucoup d’enfants, ce nombre se réduisait considérablement en raison de la mortalité infantile. Aujourd’hui, le développement de l’hygiène et de la médecine, même dans les pays isolés et en développement, fait que cette régulation par la mort des enfants n’existe plus, alors que presque rien n’a changé dans les mœurs sexuelles et familiales : le flux d’entrée est toujours important, le flux de sortie s’est réduit, et la baignoire se remplit…

    Ce qu’en dit Henri Léridon, titulaire de la chaire de démographie au Collège de France :

    «L’heureux père de 8 enfants dans un pays d’Afrique ou d’ailleurs qui croit perpétuer ainsi la tradition de ses ancêtres se trompe lourdement. Certes sa grand-mère a peut-être accouché 8 fois, mais jamais sa famille n’a véritablement compté 8 enfants car 2 d’entre eux étaient décédés avant 1 an et guère plus de 3 étaient encore en vie à 20 ans. Alors qu’aujourd’hui avec une espérance de vie de 55 ans, 6 des 8 enfants atteindront leur 20° anniversaire. »

     

    Il existe un Collectif s’intitulant « Démographie responsable », qui essaie de traiter la question de la démographie mondiale, mais je trouve qu’on y exprime plus de bons sentiments ou de besoins de faire « quelque chose », qu’on y traite de solutions possibles, envisageables, ou même simplement de directions à suivre.

    http://www.demographie-responsable.org/


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  • par Jean-Jacques

    Le Café-Débat du 29 octobre 2011 à Saint Quentin portait sur ce sujet : "Qu'est-ce que la conscience morale ?", introduit par Claude Pertuisot.

    Les interventions ont majoritairement porté soit sur ce qu'était la conscience, soit sur ce qu'était la morale, un peu abusivement assimilée à différencier le Bien du Mal et à examiner ce que pouvait être la morale individuelle et la morale collective.

    Pour ma part, après m'être trituré les méninges un bon moment, je ne vois pas pourquoi on parle de "conscience morale", et non pas simplement de "morale". En effet, la seule chose qu'apporte l'ajout du terme "conscience", c'est de mettre l'accent sur l'aspect individuel du problème, et, si on suit quelque peu ce que dit Claude dans son papier d'introduction, d'insister sur l'aspect voulu et raisonnable de cette morale individuelle.

    Mais en fait, ce qui m'intéressait le plus aujourd'hui, c'était de laisser de côté la morale et d'approfondir la notion de conscience, cette "chose" dont on sent bien ce qu'elle est sans pouvoir la définir autrement que par elle-même. Etre conscient, a rappelé quelqu'un, c'est avoir conscience de soi, c'est aussi être conscient de quelque chose. Mais le langage nous joue des tours : quand on dit cela, c'est déjà le "soi" qui s'exprime au travers de ce "on", on ne peut se mettre "hors de soi", hors de sa conscience, pour parler avec rigueur de la conscience de soi. C'est comme en mathématiques avec le théorème d'indécidabilté de Gödel pour l'arithmétique, il faut être hors du système pour raisonner sur celui-ci, si on est dedans ça ne marche pas et on aboutit à des contradictions.

    Un autre point qui me préoccupe depuis longtemps, c'est l'attribution que j'estime abusive de la conscience à l'homme seul. Pour moi, il y a un continuum depuis le virus jusqu'aux être vivants évolués, l'homme en particulier. Il y a des degrés de conscience plus ou moins élevés selon le degré de complexité des êtres vivants. Pierre rappela justement le comportement des paramécies qui s'unissent pour résister à un ennemi commun, mais en prêtant abusivement, il me semble, un caractère altruiste à ce comportement, alors que l'altruisme est un concept humain que ne possèdent certainement pas les êtres unicellulaires. Au-delà, il s'agit de savoir si la conscience est coextensive à la vie, comme le dit Bergson, auquel cas aucun robot aussi évolué soit-il ne pourra jamais accéder au moindre embryon de conscience, sauf à changer la définition implicite du mot "conscience".

    De même, Bergson (encore lui...) associe la conscience à la mémoire. Sans mémoire, pas de conscience possible, et je partage complètement son point de vue. Cependant, ceci pourrait vouloir dire aussi que plus on a de mémoire, et plus on est conscient des choses.  Je ne discuterai pas ce point aujourd'hui, mais je ferai la remarque que les animaux, les chiens par exemple, disposent d'une mémoire à court terme efficace, mais de peu de mémoire à long terme, remplacée par une forme de connaissance innée, l'analogue si on veut du BIOS des ordinateurs...

     


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